Hommage à Jean Gay (1937-2024)
Publié le 28 mai 2024
Texte rédigé par François Mignard & Yves Rabbia, le 20 mai 2024 (une version étendue, rédigée en anglais et signée par de nombreux auteurs, est également lisible sur ce site)
Notre collègue Jean Gay nous a quittés le 20 mai 2024 après une fin de vie marquée par une longue maladie dégénérative. Il a été entouré jusqu'à ses dernières heures par son épouse Marie Christine qui lui a apporté toute l'affection possible durant ces mois et ses quatre enfants, que beaucoup des anciens du CERGA connaissaient.
Jean est né en 1937 en région parisienne et a été formé en physique et astronomie à la Sorbonne, avec en particulier André Danjon comme professeur. Il est recruté dans le corps des astronomes à l'Observatoire de Meudon et travaille sous la direction de James Lequeux avec lequel il fera sa thèse de doctorat d'état. Il touche donc à la radioastronomie et aux techniques de l'hétérodynage qu'il va développer par la suite.
Il rejoint le CERGA dès sa fondation en 1974 avec le projet d'interférométrie IR hétérodyne à 10 µm pour la haute résolution angulaire : c'est le début de SOIRDETE (Synthése d'Ouverture en Infra Rouge par Détection Hétérodyne), acronyme qu'il avait concocté et porte témoignage de son amour des mots et de l'écrit. De longs développements avec la construction d'un bâtiment et de deux télescopes de 1 m de diamètre, la formation d'une équipe dont les premiers seront Alain Journet et Yves Rabbia, et un chemin difficile pour arriver à obtenir des franges, étape indispensable pour passer à l'astrophysique des sources. Entre temps l'interférométrie directe dans le visible avait considérablement progressé et a fini par prendre le pas sur les technique hétérodyne et l'opération SOIRDETE ne sera pas poursuivie.
Jean part se ressourcer à l'université de Berkeley dans le laboratoire du professeur Charles Townes (prix Nobel) pendant une année et revient avec de nouveaux projets, un enthousiasme et une créativité qu'il conservera tout au long de sa carrière.
Il restera proche de la haute résolution angulaire avec la participation au projet d'interféromètre spatial Darwin, en liaison avec l’IAS (institut d’astrophysique spatiale) visant la détection directe d’exoplanetes. Il s’est ensuite investi dans la coronographie en IR où il a conçu et réalisé plusieurs déclinaisons du Coronographe Intereférentiel Achromatique (CIA) dont la dernière a été installée pour deux missions de test sur le télescope CFHT à Hawaii. Plus tard il a construit, en liaison avec l’Université, un petit interféromètre destiné à observer les oscillations de surface des planètes géantes. Il a même tenté de profiter des mesures infra-rouges pour rechercher une planète intra-mercurielle, réminiscence des observations du Dr Lescarbault au XIXe siècle.
Passionné par l'observation et l'optique, il s'enthousiasma pour les passages de Vénus de 2004 et 2012 et inventa (avec un brevet à la clé) le solarscope: un instrument d'optique simplifié avec une monture abat-jour en carton destiné à l'observation de l'image du Soleil projetée évitant tous les dangers liés à cette observation. Petit instrument remarquable par sa rusticité qui ne laissait guère augurer de la qualité de l'image tout à fait remarquable.
Jean a été très investi dans l'enseignement du DEA d'Astrophysique à Nice (Roddier, Aime, Bornigno) et en à même été le responsable pendant une période.
A l'Observatoire, Y. Rabbia, D. Mékarnia, B. Lopez, P. Baudoz ont été ses étudiants et ont poursuivi dans la profession.
Actuellement l’héritage de l'expérience SOIRDETE a permis la mise en opération du C2PU, structure d’accueil dont les télescopes sont utilisés entre autres pour la formation des étudiants mais également pour des observations scientifiques d'objets du système solaire.
Ceux qui ont connu Jean Gay, gardent le souvenir d’une intelligence vive et brillante ainsi que d’une créativité infatigable et foisonnante.
Il laisse son épouse Marie-Christine, ses quatre enfants, de nombreux petits enfants et arrières-petits enfants.
Francois Mignard & Yves Rabbia
Figure 1: Une attitude familière de Jean, perdu en pensées, devant une table de SOIRDETE.