Premières images d'une exoplanète par le JWST: les thématiques de l’ASHRA mises à l’honneur
Le télescope spatial James Webb a fourni cette semaine ses premières images d’une exoplanète, les premières jamais obtenues dans l'infrarouge moyen. Ces résultats sur le cas scientifique le plus exigeant en instrumentation à haute résolution angulaire soulignent l’importance de la R&D long terme, et met à l’honneur trois thématiques de prédilection de l’ASHRA: la coronographie, le contrôle de front d’onde, et le traitement d’images avancé.
La planète observée, HIP 65426 b, a par ailleurs été découverte en 2017 par l’instrument SPHERE du VLT, instrument porté par l’IPAG et construit en grande partie par les laboratoires français, et soutenus par l’ASHRA. Il s’agit d’une exoplanète géante très jeune, d’environ 15 millions d’années, située à 90 unités astronomiques de son étoile. Sa masse importante, d’environ 7 masses de Jupiter, et la proximité du système, à 107 pc, rendent sa caractérisation dans l’infrarouge possible par imagerie directe avec les modes coronographiques des instruments NIRCam et MIRI de JWST.
Ces images spectaculaires sont les premières du programme Early Release Science 1386, entièrement dédié aux observations directes de systèmes exoplanétaires. Ce programme est mené par une collaboration internationale portée par l’Université d’Exeter et qui inclut plusieurs chercheurs français des laboratoires de l'AIM, IPAG, du LAM, du LESIA, et Lagrange, et est soutenu par l’ASHRA pour ses besoins en traitement d’image avancé et analyse des données.
Les données photométriques très précises de HIP 65426 b recueillies dans l’infrarouge avec JWST fournissent la première mesure fiable de la température qui règne dans l’atmosphère de cette exoplanète : 1670K. On s’attend ainsi à ce que des petits grains de poussière formés de silicates se forment et restent en suspension dans l’atmosphère de l’objet. Ces résultats démontrent ainsi le grand potentiel de JWST pour étudier en détail les propriétés physico-chimiques de ces mondes extrasolaires et mieux comprendre leur formation. Les images pourraient aussi révéler de nouvelles planètes encore inconnues dans ces systèmes.
Les mesures obtenues par l’instrument MIRI ont été fondamentales pour arriver à ce résultat. MIRI est le seul instrument en infrarouge moyen du James Webb. Il donne ainsi accès à des mesures uniques, inaccessibles avec les télescopes au sol. Son système imageur a été conçu en partie par un consortium de laboratoires français mené par le CEA/AIM. Il inclut un mode coronographique qui fonctionne aux longueurs d’ondes de 10.65, 11.40 et 15.50 microns, choisies spécialement pour sonder l’atmosphère des exoplanètes géantes, identifier des molécules comme l’ammoniac, et complémenter les observations obtenues au sol en infrarouge proche. Les coronographes de MIRI reposent sur la technologie de masques de phase à quatre quadrant inventée à l’Observatoire de Paris-PSL. Les résultats du commissioning, publiés récemment, montrent que les masques coronographiques atténuent la lumière stellaire d’un facteur 104 à 105 et atteignent des performances meilleures que celles initialement prévues.
Ces résultats ne sont que les premiers du programme ERS 1386. L’équipe étudiera notamment un disque de transition encore plus jeune, de 5 Millions d'années, autour duquel il reste encore beaucoup de gaz et de poussières pour par exemple déterminer si ces poussières contiennent de la glace d'eau comme les comètes dans notre système solaire.
Illustrations
Figure 1: Images de l’exoplanète HIP 65426 b observées par NIRCAM (3.3 et 4.4 microns) et MIRI (11.4 et 15.5 microns). L’étoile blanche indique la position de l'étoile hôte. crédit NASA/STScI/ESA publié par Carter et al. 2022
Figure 2: Images coronographiques simulées (en haut) et mesurées (en bas) avec les 4 coronographes de MIRI fonctionnant aux longueurs d’onde 10.65, 11.40, 15.50 et 23.00 microns, (Boccaletti et al. 2022)